Le divorce Sarkozy en six questions
Publié par Jean L’Aurouze, vendredi 19 octobre 2007, Cool Access : news , Les Infos : ZOOM !
Il avait fait de la rupture le thème central de sa campagne électorale : pour Nicolas Sarkozy, le slogan prend aujourd’hui une dimension et un sens inattendus. Elle n’avait pas voté pour lui mais avait accepté le rôle de libératrice des infirmières bulgares : Cécilia Sarkozy quitte la scène, telle une diva vexée après un bide. Le couple présidentiel a divorcé, plus vite que Thomas Hugues et Laurence Ferrari : une audience aura suffi et un communiqué de 15 mots solde les comptes face au public. Entre l’émotion d’Isabelle Balkany et le « j’m’en tape » d’Olivier Besancenot, le citoyen se pose six questions simples dès lors que le chef de l’État est impliqué, d’autant que Nicolas Sarkozy n’a pas lésiné sur les moyens pour stariser le couple candidat puis, une fois élu, le duo élyséen.
La première concerne l’impact du divorce sur l’image du Président de la République et donc de la France, urbi et orbi. La stratégie à la mode Kennedy n’a pas duré, le conte de fée s’écroule et la couverture média-planétaire de l’avènement de mai 2007 aura son revers : tandis qu’on louait le charme, l’influence voire l’efficacité de Cécilia auprès de Nicolas, les mêmes ne verront peut-être plus que les talonnettes du petit français, fut-il le premier d’entre eux.
Politiquement c’est-à-dire en terme d’influence, et c’est la deuxième question, son crédit personnel est-il entamé ? À l’international, Sarkozy a certainement voulu déminer le terrain en officialisant sa rupture à la veille du sommet européen de Lisbonne (et non tuer la couverture médiatique de la grève de ce jeudi). Ce signe est déjà une manifestation de faiblesse : le calendrier de la fonction, tout à coup, prend le pas sur la météo domestique. Le principe de réalité est toujours plus fort que la politipeoplisation. Pour le coup, c’est aussi une rupture dans la stratégie de communication du chef de l’État.
Au regard des Français et singulièrement de ses électeurs, Nicolas Sarkozy devient de fait comptable d’une suspicion largement partagée et somme toute légitime : la starisation de Cécilia pendant la campagne fut-elle de circonstance autant que de commande ? À cette troisième interrogation, Isabelle Balkany répond « absurde » mais toutes les chaînes de télévision montraient, jeudi soir, des Français plutôt circonspects sur le sujet. Le doute s’est installé.
Quatrième question : le départ de Mme Sarkozy crée-t-il un vide dans le conseil politique du Président ? Certainement pas parce que l’homme concentrant le plus de pouvoir (et également le plus influent auprès du chef de l’État) c’est Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, souvent, c’est vrai, sur la même ligne que Cécilia. Si d’aventure, l’appui de la Première Dame manque à Guéant, de nouvelles influences feront leur nid dans l’espace ainsi créé : comme la Nature, la politique a horreur du vide. Les retours en grâce vont fleurir. Et infléchir la volonté présidentielle.
L’avenir de Cécilia pose la cinquième interrogation : sa liberté juridique va-t-elle encourager son caractère libertaire au point de brouiller l’action de Nicolas ? La voici confrontée à une tentation qui frise le sublime dans le bréviaire des gazettes : l’imitation de Lady Di. Ce serait le pire pour le chef de l’État et un nouvel Eldorado pour les paparazzi. Imprévisible, n’est-il pas ?
Enfin, et c’est l’ultime question : comment le Président va-t-il compenser son échec conjugal, son rabibochage éphémère ? Par plus d’hyperactivité ? Par plus de volontarisme et de dirigisme dans l’action ? Quel suspense !
En somme, le divorce Sarkozy n’est pas anodin. Il condamne la confusion homme-fonction dans laquelle Nicolas Sarkozy s’est fourvoyé. Il révèle la dangerosité de la communication à outrance utilisée comme instrument de conviction politique. Il rappelle le citoyen à un principe non écrit mais intrinsèque à l’idée de République : l’exercice du pouvoir ne se construit pas sur la chronique d’une famille régnante.