Les Jeux nazis de 1936, ou l'olympisme complice
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Myriam Meuwly Lundi 19 novembre 2007 | |||||
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Le massacre de la jeunesse chinoise sur Tiananmen était vieux d'à peine douze ans quand le Comité international olympique, en juillet 2001, attribua à Pékin l'organisation des Jeux de la XXIXe olympiade. Pourquoi s'embarrasser de souvenirs désagréables quand il s'agit de faire «toujours plus fort»? 1 Les droits de l'homme grossièrement bafoués? La misère abjecte des paysans chinois de l'intérieur? Les déplacements de population campagnarde suite au barrage des Trois-Gorges? Et dans la capitale, la destruction de pans entiers de quartiers historiques au nom des jeux? «Le CIO ne se préoccupe que de sport et les Jeux de Beijing en seront l'apothéose!» Ainsi se dérobent les instances olympiques devant les questions embarrassantes de l'heure. Un précédent bien plus lourd de sens cependant entache de manière indélébile le drapeau blanc frappé des cinq anneaux. Celui des Jeux olympiques de 1936, accordés à l'Allemagne en 1931, puis encouragés et défendus contre vents et marées, malgré l'installation du régime nazi d'Adolf Hitler en 1933. Des jeux célébrés avec la bénédiction des hautes instances olympiques et hélés comme des jeux exemplaires. La Française Monique Berlioux (photo ci-contre) a pris ses premières fonctions au Comité international olympique en 1967. Elle en devint directeur2 de fin 1968 à 1985 au siège de Lausanne. Elle en développa considérablement les bureaux et leur fonctionnement, en même temps que la puissance financière. Un différend majeur autour du pouvoir réel l'opposa au président élu en 1980 Juan Antonio Samaranch et conduisit à sa démission de ce poste éminent. Des services aussi remarquables méritaient d'importants dédommagements. Une restriction: Mme Berlioux s'engageait à ne pas écrire sur ses années au château de Vidy, donc sur les secrets de l'olympisme de cette fin de siècle. Ce diktat ne couvrait pas l'histoire antérieure à son passage. La redoutable ancienne journaliste a ainsi entrepris de relater comment le Comité international olympique s'est compromis honteusement devant l'Histoire avec les Jeux olympiques de 1936. Elle vient de publier deux tomes volumineux intitulés Des Jeux et des Crimes, 1936. Le piège blanc olympique).3 La thèse de l'auteur tient en peu de mots: si les puissances victorieuses de la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, la France et surtout les Etats-Unis, avaient boycotté les Jeux d'hiver de Garmisch-Partenkirchen, compromettant ainsi les Jeux de Berlin4 l'été suivant, le régime hitlérien en aurait été ébranlé assez pour retarder, sinon éviter les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. «Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, écrit-elle, le sport aurait été la plus grande des forces politiques internationales, la plus efficace des armes humaines.» 1 La devise olympique, «Citius, altius, fortius», signifie en réalité «plus vite, plus haut, plus courageux» – et non «plus fort». 2 «Directeur», parce que, disait Berlioux, si c'est «directrice», on m'imposera un directeur... 3Editions Atlantica. 4Garmisch-Partenkirchen, du 6 au 16 février 1936; Berlin, du 1er au 16 août l936. Le 6 février 1936, il neige à gros flocons sur Garmisch, la petite ville bavaroise qui, avec sa voisine, Partenkirchen, s'est vu confier l'organisation des IVes Jeux olympiques d'hiver. Adolf Hitler, le chancelier du IIIe Reich, est arrivé le matin pour présider la cérémonie d'ouverture. L'homme qu'acclament les foules enfiévrées détient tous les pouvoirs - sur le pays, sur l'économie, sur les esprits... et sur les conditions atmosphériques! Deux jours plus tôt, raconte Monique Berlioux, la piste de bobsleigh fondait «comme un sorbet». Et soudain, précédant de peu l'arrivée du Führer, la neige! Vingt-sept délégations participent à ces jeux hivernaux, prélude fastueux, organisé de main de maître, aux jeux de la XIe Olympiade qui se tiendront au mois d'août à Berlin. Toutes les équipes, qui défilent devant le chancelier nazi, inclinent leur drapeau national devant lui et lèvent le bras dans un «salut olympique» moins à l'équerre qu'oblique, et parfois franchement nazi. Toutes sauf trois: la Suisse, la Grande-Bretagne, et les Etats-Unis. La France, elle, s'est exécutée comme les autres. «Les Français déclenchèrent un enthousiasme surprenant et assourdissant lorsqu'ils saluèrent le chancelier Hitler en levant le bras à la manière fasciste», écrit alors Associated Press. «Les Suisses, comme on le fait chez nous, tournent simplement la tête vers les autorités», relève de son côté le journaliste Marcel André Burgi à Radio-Genève. Qu'importe à Hitler. Ceux qui font mal, ce sont les Américains. Emmenée par son chef de délégation, Avery Brundage (photo ci-contre), alors président du Comité olympique américain, l'équipe de joyeux Yankees n'a pas salué le Führer. Elle a simplement tourné brièvement la tête vers la tribune officielle. Pis, la bannière étoilée n'a pas viré, ni ne s'est abaissée d'un pouce. Depuis l'origine de l'Union, le drapeau américain est sacré, il ne s'incline jamais. Adolf Hitler n'a pourtant pas à se plaindre de Brundage, qui sera coopté membre du CIO à Berlin. Sans ce dernier, il y a fort à parier que les Etats-Unis n'auraient pas été présents à Ga-Pa, comme on dit alors. L'énorme retentissement de ces jeux hivernaux allait en fait donner à l'Américain des arguments forts pour affronter les opposants à la participation des Etats-Unis aux Jeux de Berlin imminents. L'ordre réinstauré en Allemagne depuis 1933 ne lui déplaisait pas, au contraire. Mieux, «Mr.Hitler» lui paraissait être un homme parfaitement fréquentable. Relevant qu'il n'avait jamais été hypnotisé par quiconque, le futur président du CIO (de 1952 à 1972) ne devait-il pas convenir du Führer «que son regard était inoubliable»? Inoubliable en effet. L'aveuglement, la complaisance, voire la sympathie active des maîtres de l'olympisme d'alors a contribué à asseoir la toute-puissance du chancelier allemand. Un boycott américain à Ga-Pa et à Berlin, aurait entraîné, comme par un effet domino, l'abstention de nombreux autres pays. Faute d'un affront majeur sur la scène internationale, les grandioses démonstrations assirent encore davantage l'aura d'Adolf Hitler, urbi et orbi. Ses appétits de conquête trouvèrent donc un vrai «tremplin olympique» dans les jeux de 1936. C'est ce que relate dans le détail l'histoire patiemment recomposée par l'auteur de Des Jeux et des Crimes. Le rénovateur des Jeux olympiques modernes et de la devise «mens sana in corpore sano», le baron Pierre de Coubertin, ne songeait pas à des jeux populaires quand il invita quelques amis titrés ou solidement établis à restaurer les antiques joutes en 1894. A haut niveau, le sport alors était le fait des élites qui en avaient le loisir. Bon point pour Coubertin, il croyait fermement que la compétition des meilleurs pouvait encourager chez les masses le développement des activités physiques. Aristocrate, il fréquentait des aristocrates. Les bouleversements politiques et sociaux du premier tiers du XXe siècle le conduisirent tout naturellement «à se prendre les pieds dans le national-socialisme», avec ses idéaux de culture du corps, d'école de courage, de jeunesse disciplinée, etc., indique Monique Berlioux. Quand Coubertin quitte la présidence du CIO en 1925, il se remplace lui-même par son ami, le comte Henri de Baillet-Latour (photo ci-contre). D'extrême droite, Belge proche de la Couronne, le nouveau président partage entièrement les vues du patriarche. On va le voir à l'œuvre dès la candidature de Berlin pour les JO de 1936. Le choix de la ville hôte doit se faire à Barcelone, en avril 1931. On compte 11candidatures. La République de Weimar présente quatre prétendantes: Berlin, Cologne, Francfort et Nuremberg. La cité catalane est favorite. Une affaire de météo va cependant infléchir dramatiquement la balance en faveur de l'Allemagne En effet, le baron de Güell, membre du CIO pour l'Espagne, a proposé de recevoir la session décisive au tout début avril. Le conseil municipal de Barcelone souhaite cependant que le temps soit beau pour accueillir ces messieurs. On repousse la date au 25 avril. Las, les élections législatives espagnoles ont lieu le 12, entraînant l'effondrement de la monarchie. Pas trop téméraires, nombre de membres du CIO se trouvent soudain d'autres projets pour la fin du mois. Ils ne sont que 20sur 67 à venir braver la République à Barcelone. Même le baron de Güell, hôte de la session, a préféré les pluies de sa ville de Bilbao au soleil catalan! Comment voter pour une ville candidate ou l'autre dans ces conditions? Un vote par correspondance est organisé, et le dépouillement final prévu à Lausanne en mai 1931. La monarchie n'avait pas repris le dessus entre-temps, Berlin l'emporte par 43 voix sur 16 à Barcelone. Avec ce vote, écrit Berlioux, «les membres du CIO se retrouvaient avec leur monde, leurs conceptions de la vie. Plus tard, l'hitlérisme venu, ils demeurèrent en concordance avec l'ordre rigoureux qui les rassurait, leur classe sociale, le respect des positions-clés de l'industrie, la majorité aristocratique dans les sommités de l'armée.» Détail pittoresque que note l'auteur, Adolf Hitler non encore chancelier était alors, semble-t-il, hostile à la tenue des JO de 1936 en Allemagne. Karl Ritter Von Halt (photo ci-contre), membre du CIO, n'eut plus de mal à convaincre son Führer, deux années plus tard, que le spectacle vaudrait son adhésion. Les Juifs d'Allemagne n'eurent pas à attendre longtemps avant de sentir passer le vent meurtrier du national-socialisme hitlérien. Très vite, la communauté juive des Etats-Unis eut vent de persécutions contre ses coreligionnaires allemands et entreprit de dénoncer les premiers crimes du régime - pour qui avait alors des oreilles. Monique Berlioux n'a pu appuyer son livre fleuve sur des procès-verbaux détaillés du Comité international olympique pour documenter sa démonstration. On siégeait alors entre soi et on ne consignait au papier que les décisions importantes. Outre des mémoires, des biographies et de nombreux ouvrages historiques sur cette funeste époque, elle a en revanche pu parler avec des témoins encore vivants pendant les douze années qu'elle a consacrées à ce travail. Elle n'a pas connu Siegfried Edström, le membre du CIO pour la Suède, si respecté jusqu'à sa mort dans les années 50, et au-delà. Un écrit de lui est là, cependant, adressé au colonel Albert Berdez, le Suisse qui servait alors de secrétaire permanent au CIO: «Le trouble causé (par des) Juifs internationaux embarrasse beaucoup le travail pour la préparation des Jeux olympiques de 1936, écrit l'honorable Suédois, et il faut que nous tous aidions à les faire taire.» On ne sait rien de la réponse du colonel Berdez. Le CIO entreprit-il une action «pour faire taire» ces trublions? On l'ignore. On sait en revanche que son président, Baillet-Latour, - qui parle la langue de Goethe comme le français - accorde son soutien absolu aux Allemands. Il va peser de tout son poids sur ses collègues au cours des sessions olympiques de 1934 et 1935. «Sans sa détermination d'assurer la célébration des Jeux de Berlin envers et contre tout, aurait déclaré Avery Brundage, mes batailles en Amérique, en Europe et au sein du CIO auraient été perdues.» Le rôle du Belge en faveur de l'hitlérisme et ses pompes olympiques fut tel qu'à sa mort en Belgique occupée, en janvier 1942, le maître de l'Allemagne nazie fit déposer au domicile du défunt, par Karl Ritter von Halt, «blond prototype de la meilleure race nordique», assisté de deux SS casqués et bottés, «une énorme couronne de fleurs, ceintes des couleurs allemandes et de la svastika, portant le nom d'Adolf Hitler». Déjà à la session de Vienne en 1933, l'Allemand Theodor Lewald, membre de la «Compagnie» comme disait Coubertin du CIO, et président du comité d'organisation des JO de Berlin, affirmait à ses collègues que, «avec le consentement du gouvernement, tous les règlements olympiques seraient observés (et) qu'en principe les Juifs allemands ne seraient pas exclus des équipes allemandes aux Jeux». Tout allait donc pour le mieux. Une année plus tard à Athènes, à propos du «problème juif» inscrit à l'ordre du jour de la session, on lit au procès-verbal que le président Baillet-Latour «a l'impression que les partis politiques hostiles à l'Allemagne actuelle cherchent à s'appuyer sur l'olympisme pour déclencher leurs attaques». Quant à lui, le Belge se disait «personnellement satisfait». Il l'est encore plus après sa visite à Adolf Hitler en novembre 1935. «A ma demande, déclare-t-il, et après une longue discussion, M.Hitler a promis que toutes les affiches qui pourraient choquer les visiteurs étrangers disparaîtraient de Berlin [...] et Garmisch. Tout le monde admettra que c'est un joli geste de sa part.» La perfidie anglaise est pour sa part illustrée dans cette histoire par le futur marquis d'Exeter, lord Burghley, coopté par le CIO en 1933. C'était là sa récompense pour avoir défendu les JO allemands auprès du parlement britannique et des grands patrons de presse de son pays. Il faut dire que son futur roi et ami, EdouardVIII, - plus tard duc de Windsor et espion pour l'armée allemande lors de son avance sur la ligne nord - se montrait ouvertement germanophile. De même qu'une frange non négligeable de l'aristocratie anglaise. Quel que fut son sentiment profond, Burghley eut l'habileté de ne pas apparaître aux sessions du CIO suivantes, ni à Garmisch. Le terrain assuré, il ne se montra qu'à Berlin, pour enfin prêter son serment de membre de la Compagnie... Quant aux Français... Malgré son patriotisme inconditionnel, Monique Berlioux ne trouve rien de substantiel à relater en faveur des deux membres du CIO pour son pays, sinon des exclamations dérisoires. Comme ce «J'étais contre!» du petit Corse réactionnaire François Piétri. Contre? Il s'agissait d'un collier d'honneur qu'on fit porter à Berlin aux membres du CIO! Pour le reste, ce ministre remercié par le Front populaire en 1936 reprit du service pour la France de Vichy auprès du général Franco jusqu'à la fin. Quant au dérisoire Armand Massard, tout aussi rouspéteur que Piétri, il déplorait que ses affaires eussent été fouillées dans sa chambre de Berlin. Mais l'essentiel pour ce furieux réfractaire à toute autre langue que la sienne était là: «Les hôtesses hitlériennes au moins étaient bilingues.» Commentant cette sombre période, lord Killanin, qui fut correspondant de guerre et présida le CIO entre 1972 et 1980, releva un jour que, de tous les membres de la «Compagnie» d'alors, le Britannique Aberdare fut «un des seuls à voir clair. [...] A l'époque, le CIO, c'était un club. Entre gentlemen, on s'incline devant la majorité, tout en pensant que rien n'est irréversible. Jusqu'au jour où c'est trop tard.» Quand est-il trop tard? On peut se poser la question quand on (re) découvre que le futur général Henri Guisan ne dédaigna pas d'être coopté membre du CIO pour la Suisse en 1937. Seule la guerre entraîna sa démission. L'Américain Avery Brundage* a trop marqué l'histoire des Jeux olympiques d'après la Deuxième Guerre mondiale pour qu'on ne rende pas compte ici du rôle déterminant qu'il joua dans la tenue des joutes allemandes de 1936 et que Monique Berlioux relate dans le détail de son livre. «De 1933 à la clôture des Jeux de Berlin, écrit-elle, son activité infatigable, ses dons de tacticien, sa persuasion d'incarner la vérité et la sagesse, lui assurèrent une influence démesurée, difficilement croyable, sur les enchaînements qui aboutirent en février, puis en août 1936, à la plus grande victoire de propagande du IIIe Reich.» Ce self-made-manné à Chicago, ingénieur civil qui a fait et refait fortune dans la construction et les investissements judicieux, est décathlonien. Il a été médaille d'argent aux Jeux d'Amsterdam en 1912. Dès que, en 1934, l'opinion américaine s'émeut à la perspective de jeux olympiques en Allemagne, président du Comité olympique des Etats-Unis (USOC), il va mener avec fracas et tous ses talents de tacticien pour y assurer la participation de ses athlètes. Envoyer des jeunes sportifs à travers l'Atlantique, les vêtir, les accompagner de coaches et d'officiels coûte fort cher. L'amateurisme est alors chose réelle. Il faut réunir des fonds importants. Or, un grand nombre d'Américains sont hostiles au régime hitlérien dont on leur rapporte les premiers méfaits. Brundage fait appel à ses compatriotes d'origine allemande. La publication de Mein Kampf, qui prône l'élimination «de la race juive» a remporté un succès sans égal à l'étranger. Le programme que s'est fixé Adolf Hitler ne paraît pas intolérable à ses lecteurs de manière égale. Le président Roosevelt n'est pas chaud. Il regrettera de n'avoir pas pesé sur les dirigeants sportifs de son pays pour qu'ils renoncent à envoyer une délégation aux JO de 1936. Cependant le Neutrality Act a été bien accueilli par les Américains las d'avoir toujours à intervenir dans les querelles de «la vieille Europe». Avery Brundage est ardemment de ce camp-là. Ainsi, écrira-t-il dans des «mémoires» cités par Berlioux: «Si l'USOC avait eu à affronter les mêmes intérêts politiques et financiers qui finalement réussirent à impliquer les Etats-Unis dans la Seconde Guerre, nous n'aurions jamais réussi à réunir les fonds nécessaires à envoyer nos athlètes aux Jeux de 1936.» L'auteur des Jeux et des crimes ne le dit pas explicitement, mais le fait est avéré: Avery Brundage est résolument hostile aux Juifs. Il ne s'émeut donc pas quand interviennent auprès de lui les représentants d'organisations juives américaines: «Vous estimez qu'il faut retirer les Jeux aux Allemands parce que les Juifs ne sont pas admis dans tous les clubs sportifs? Ils ne le sont pas davantage ici, à mon club...» Et voilà qu'il risque soudain de perdre la bataille. Brundage est en effet également président du comité directeur de l'American Athletic Union (AAU), qui réunit toutes les fédérations sportives du pays. Comme il est surchargé par son combat pour Garmisch et Berlin, il démissionne de cette fonction et pressent un remplaçant sûr en la personne de Jeremiah T.Mahoney, ancien magistrat catholique. Or Mahoney s'est porté - sans en avertir Brundage - candidat à la mairie de New York. Qui dit New York dit puissance financière juive, dont l'appui est primordial pour la conquête de City Hall. Le postulant tout naturellement se déclare donc opposé à la participation américaine aux prochains Jeux. «Un coup bas», écrira Brundage. Pis, Mahoney obtient du comité directeur de l'AAU un vote contre la participation américaine à Ga-Pa comme à Berlin. Aussitôt Brundage revient sur sa démission et se porte à nouveau candidat. Au congrès de décembre 1935, à deux mois Jes jeux de Garmisch, il est réélu, ce qui équivaut à un vote en faveur de «sa» cause, par tout juste deux voix de majorité sur 220 votants, relate Monique Berlioux. Le futur président du CIO commentera cette élection plus tard, sans regretter, semble-t-il, son poids tragique sur les événements ultérieurs: «Alors que, précédemment, j'avais été choisi presque à l'unanimité, le résultat de cette élection âprement disputée fut douteux jusqu'à la dernière minute. L'affaire était suivie par nombre de pays. Un échec aurait sans doute amené le retrait de nombreuses équipes et la ruine des Jeux de la XIe olympiade.» Ainsi, devait conclure Avery Brundage: «Le succès des jeux fut assuré grâce aux résultats de cette élection acharnée à l'AAU, à New York.» Et la cinéaste favorite d'Adolf Hitler, Leni Riefenstahl, qui parvint à conquérir l'amitié de Monique Berlioux, de confier à cette dernière lors d'une ultime rencontre peu avant sa mort à 101 ans en 2003: «Goebbels m'avoua, au soir de la cérémonie de clôture des jeux de Berlin: «Jusqu'au dernier moment, le Führer et moi-même avons terriblement redouté [...] que les trois grandes démocraties de l'Ouest ordonnent à leurs délégations de se retirer [...] Vous vous rendez compte: quel coup!...» Le Japon devait organiser les jeux de l'olympiade suivante, en 1940. Son offensive de 1937 en Chine rendait naturellement l'entreprise impossible. Pour remplacer Sapporo pour les jeux d'hiver, le CIO pressentit Saint-Moritz. Une querelle purement technique amena la station suisse à se dédire, après avoir accepté le mandat. Décidément incorrigible, le Comité international olympique se tourna alors vers ses amis nazis et, en juin 1939 par la voix de son président Baillet-Latour, demanda à Garmisch de reprendre le flambeau l'année suivante. Garmisch accepta. Trois mois plus tard, Adolf Hitler en décidait autrement et, le 22 novembre 1939, Karl Ritter Von Halt envoyait une dédite pour cause de guerre. Le comte Baillet-Latour, qui décidément était déterminé à gagner sa couronne mortuaire de fleurs nazies au jour prochain de ses obsèques, exprima aussitôt sa tristesse. «Puissent ces belles installations (à Garmisch) profiter au développement physique de votre jeunesse et lui conserver l'esprit olympique, auquel je sais qu'elle demeure fidèle.» C'était, conclut Monique Berlioux, «au lendemain de l'écrasement de la Pologne». * Les Combats d'Avery Brundage ont porté, contre vents et marées, sur la défense de l'amateurisme. Il obtint la réadmission dans le monde olympique de l'Afrique du Sud dans les années 60, et travailla ardemment à la formation d'une équipe unie entre les Allemagnes de l'Ouest et de l'Est. Il échoua par contre à réunir les deux Corées dans un stade. Auparavant, en 1952, année de son élection pour vingt ans à la présidence du CIO, il fut l'artisan de l'entrée des pays de l'Est au CIO. De même, il favorisa le prompt retour des Allemands et des Japonais dans les compétitions olympiques. | |||||
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