Un jour de septembre
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Jacky BORNET Publié le 25/01 à 00:00 |
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La critique | |
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Sorti en 2000 et lauréat du meilleur documentaire aux Oscars, Un jour de septembre vaut sans doute sa distribution tardive en France, à la sortie, le même jour, du film de Steven Spielberg, Munich, sur les événements qui suivirent la tragique prise d’otages des Jeux Olympiques de 1972. Il en constitue le parfait complément et inversement. |
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Par Laurent Pécha. |
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Critique rédigée le 25/01/2006 |
UN HÉLICOPTÈRE carbonisé recouvert de neige carbonique avec de gros numéros plantés sur les cadavres des sportifs assassinés. C'est l'une des images-chocs du documentaire Un jour en septembre qui retrace chronologiquement la prise d'otages des onze athlètes israéliens par huit terroristes palestiniens dans le village olympique de Munich, le 5 septembre 1972, les tractations et finalement la fusillade et les explosions sur la base aérienne qui ne laissèrent que trois terroristes survivants.
A l'aide d'images d'archives venues du monde entier et avec des témoignages inédits comme celle du seul terroriste encore en vie, on suit toutes les phases de l'événement, sa violence, les horreurs de l'épilogue et surtout la désorganisation et les maladresses accumulées des autorités allemandes dépassées par ce premier acte terroriste. Radioscopie d'un massacre et analyse d'un désastre, ce documentaire produit par Arthur Cohn et réalisé par Kevin MacDonald en 2000 sort maintenant en France, opportunément la même semaine que Munich de Spielberg, dont il pourrait être le prologue.
Arthur Cohn raconte la conception du film en insistant sur son indispensable authenticité. «L'une des conditions pour réaliser un documentaire de ce genre était d'y faire intervenir les protagonistes. Nous avons donc mis huit mois pour retrouver et convaincre des gens comme le chef de la police de Munich, le directeur du Comité olympique ; Ankie Spitzer, la veuve du champion d'escrime tué dans l'attentat, ou le chef des services secrets israéliens. Mais pour rester objectif, il fallait une présence palestinienne. Après un nombre incalculable de rendez-vous manqués, nous avons réussi à faire venir et à interviewer à Amman Jamal al-Gashey, le seul terroriste palestinien survivant (les deux autres ayant été tués par le Mossad), caché en Afrique et recherché depuis vingt-cinq ans par Israël. Il s'explique et déclare froidement : «Je ne regrette absolument rien... Grâce à nous la cause palestinienne a été mise en lumière !» Ce sont des témoignages comme celui-ci qui font la qualité de notre film. Nous avons d'ailleurs pris soin de consacrer le même temps d'intervention aux Israéliens et aux Palestiniens.»
Des autorités incapables de faire face
En revanche, le documentaire dresse un véritable réquisitoire contre les autorités allemandes incapables de maîtriser l'événement et de faire face à cette première action terroriste sur leur sol. Avec l'impossibilité de faire intervenir l'armée, les Allemands refusèrent l'aide d'Israël et firent appel à cinq tireurs inexpérimentés ; ils découvrirent le nombre de terroristes uniquement sur l'aéroport, les routes qui y menaient n'étaient pas dégagées pour l'arrivée des secours, ordres et contre-ordres se succédèrent et détail atroce : le 6 septembre à 0 h 30, le gouvernement fit annoncer que tous les otages étaient vivants et libérés pour révéler une demi-heure plus tard qu'ils avaient tous été tués.
«Le film démontre que les autorités se sont mal comportées, note Arthur Cohn. Mais il faut préciser que le désordre et la précipitation furent provoqués par le Comité olympique qui faisait pression pour voir partir au plus vite les terroristes et leurs otages et pouvoir continuer les Jeux. Il est vrai aussi qu'en octobre 1972, à la suite d'une prise d'otages aérienne assez suspecte, les autorités allemandes se sont empressées de libérer les trois terroristes survivants qui furent expatriés en Libye. Pourtant, à notre surprise, notre film a été très bien accueilli en Allemagne. A tel point que neuf mois après sa sortie, le gouvernement a donné des millions pour indemniser les parents des victimes de Munich.»
Sorti également en Angleterre, aux États-Unis, au Japon, en Italie et en Australie, Un jour en septembre a connu un grand succès et a été couronné de plusieurs récompenses dont l'oscar du meilleur documentaire. Rançon de sa rigueur et de cette authenticité revendiquée par les auteurs. Maintenant, la France va pouvoir juger sur pièces ce massacre vieux de trente-trois ans remis sur le devant de l'actualité avec le film de Spielberg. Mais sur cette suite plus discutable, Arthur Cohn refuse de porter un jugement. Il y a entre ces deux visions le fossé infranchissable qui sépare un événement commenté d'une histoire reconstituée.
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(Photo DR) |
UN FILM de fiction, Munich, «inspiré de faits réels» et réalisé dans le plus grand secret par un cinéaste emblématique, Steven Spielberg, et un documentaire historique, Un jour en septembre, réalisé par Kevin MacDonald nous renvoient brutalement à la tragique prise d'otages qui ensanglanta les Jeux olympiques de Munich, il y a trente-trois ans.
Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1972, huit terroristes palestiniens du commando Septembre noir pénètrent dans le village olympique et séquestrent onze athlètes israéliens parmi lesquels deux sont abattus pendant l'opération. En échange de la vie de leurs otages, ils exigent la libération de 243 prisonniers palestiniens... Les tractations commencent dans la plus grande confusion entre le chef du commando, les autorités allemandes et le gouvernement israélien qui refuse toute libération.
Après le fiasco, les représailles de Golda Meïr
Ponctuée par de multiples ultimatums, la journée s'achève dans l'angoisse lorsque le commando réclame un bus et deux hélicoptères pour aller à l'aéroport où les attend un Boeing de la Lufthansa. Sur le tarmac, cinq policiers allemands vont tirer sur les terroristes et déclencher un carnage. Bilan : onze otages israéliens abattus, cinq Palestiniens et un policier allemand tués et un pilote blessé.
Un fiasco qui débouche sur une tragédie avec laquelle Steven Spielberg ouvre son film avant de s'intéresser aux représailles lancées par Golda Meïr. Avec l'opération «Colère de Dieu», le premier ministre israélien entend venger les morts de Munich en envoyant en Europe des agents du Mossad chargés de traquer et de supprimer les «cerveaux» de l'opération, soit onze personnes.
Mais s'il adopte le genre spectaculaire du thriller, le cinéaste américain s'interroge sur le bien-fondé de la vengeance politique et se retrouve vivement critiqué aux États-Unis et en Israël où certains responsables estiment qu'il est moralement condamnable en renvoyant dos à dos Palestiniens et Israéliens.
Dans une interview au magazine allemand Der Spiegel, Steven Spielberg rétorque. «Je ne suis pas prétentieux au point d'affirmer que je délivre un plan de paix pour le Proche-Orient avec mon film. Mais est-ce une raison pour laisser le champ libre à ceux qui simplifient tout ? Aux Juifs et aux Palestiniens extrémistes qui considèrent jusqu'à aujourd'hui toute forme de solution par la négociation comme une sorte de traîtrise ? Est-ce une raison pour se taire, juste pour ne pas avoir d'ennuis ?», s'interroge-t-il.
Refusant de «donner des réponses simples à des questions compliquées», le cinéaste insiste sur le «puissant médium qu'est le cinéma pour amener le public à une confrontation très intime sur un thème qu'on ne connaît généralement tout au mieux que de manière abstraite». En revanche, dans son documentaire choc, Un jour en septembre, le Britannique Kevin MacDonald donne quelques réponses, souvent effrayantes, sur les causes de cette prise d'otages qui tourna mal.
Un cafouillage qui fait froid dans le dos
A l'aide d'images d'archives et de témoignages, notamment ceux du ministre allemand de l'Intérieur de l'époque, Hans-Dietrich Genscher, du chef de la police de Munich, Manfreid Schreiber et du seul terroriste survivant, Jamal al-Gashey réfugié en Afrique (lire ci-dessous), on suit heure par heure toutes les étapes de cette tragédie qui soulève les énormes erreurs des autorités allemandes. Au-delà des faits et de cet énorme cafouillage qui fait froid dans le dos, Un jour en septembre donne la parole aux familles des victimes israéliennes qui, après avoir vécu l'horreur en direct, avaient été informées que tous les otages étaient bien vivants...
