La longue marche vers la « société harmonieuse »

Publié le par david castel

Chine . Le 17e congrès du Parti communiste chinois s’ouvre aujourd’hui à Pékin sur fond de disparités régionales, de fractures sociales croissantes et de contestation.

Pékin, envoyée spéciale.

La Chine va connaître cette semaine un des temps fort de sa vie politique avec la tenue du 17e congrès du Parti communiste qui s’ouvre aujourd’hui à Pékin.

Les interrogations qui entourent cette rencontre prévue tous les cinq ans sont autant d’ordre politique, économique, social et écologique tant le géant asiatique fait face à des défis majeurs après près de trois décennies de croissance galopante qui ont profondément bouleversé ses structures en ouvrant ses portes au libéralisme économique.

Le PCC, maître d’oeuvre des réformes et fort de plus de 76 millions de membres, n’en est pas moins resté la clé de voûte du système politique. Si les quelque 2 200 délégués présents au Palais du peuple où se tient le congrès ont été pour la première fois directement élus et non plus choisis par la direction - ils ont même, pour certains, fait l’expérience d’un vote à plusieurs candidats dans le cadre d’une timide démocratisation interne au parti - ils sont encore dans leur majorité des fonctionnaires et des « ouvriers modèles ». Quant aux entrepreneurs autorisés à rejoindre les rangs du PCC depuis le précédent congrès selon la théorie des « trois représentations », ils ne représentent que moins de 1 % des délégués dont la baisse de la moyenne d’âge - plus de 18 % ont moins de 45 ans, soit 18,8 % du total - marque un renouvellement certain des cadres : un des enjeux de ce congrès qui doit baliser la voie à l’accession au pouvoir de la « cinquième génération ».

une crise sociale sans précédent

Sauf coup de théâtre peu envisageable, Hu Jintao, secrétaire général du PC et président de la République, sera reconduit jusqu’en 2012. Or si la règle de la retraite politique à 70 ans est respectée, au moins 7 des 9 membres du bureau politique, dont trois du bureau permanent devront être remplacés d’ici trois ans. De nouvelles personnalités, quinquagénaires, devraient donc faire leur entrée dans le premier cercle du pouvoir à l’issue du congrès. Parmi eux, peut-être celui qui prendra les commandes du pays quand Hu passera la main, théoriquement dans cinq ans.

La tâche est d’autant plus délicate que le pays connaît une crise sociale sans précédent issue de la croissance inégalitaire et laissant pour compte des dizaines de millions d’anciens ouvriers de paysans, de jeunes sans emploi précarisés par l’éclatement du tissu social et des protections de santé.

Dans la droite ligne de ce qui a été engagé depuis trois ans, l’ordre du jour du congrès est clair et porte sur comment résorber les fractures sociales qui menacent la stabilité du pays et hypothèque tout développement. À commencer par l’enrayement de la hausse des prix alimentaires qui représentent un tiers des dépenses ménagères et pèsent fortement sur l’inflation qui a atteint 3,4 %, son taux le plus élevé depuis deux ans et demi.

La construction d’une « société harmonieuse » est le credo de Hu Jintao et le concept devrait figurer dans les statuts du parti avec « le développement scientifique et durable ». Il traduit une volonté de rééquilibrage. Les orientations du 11e plan quinquennal (2006-2010) marquent un tournant dans la prise en compte d’une meilleure redistribution des fruits de la croissance.

De nouveaux investissements dans les campagnes, l’abolition de taxes agricoles, une relance de l’éducation et de l’assistance médicale en milieu rural sont mis en chantier. L’année a été marquée par une série de mesures qui marquent une réelle inflexion de la politique économique menée depuis Deng Xiaoping et qui recouvrent un débat idéologique et social. La nature du développement et de la modernité, la gestion de l’ouverture au capital étranger sont au coeur des débats.

L’adoption par l’assemblée nationale (ANP) au printemps dernier d’une nouvelle loi sur les contrats de travail puis celle fin août d’une législation antimonopole visant à contrôler les investissements étrangers sont autant de signes de cet infléchissement. Nécessaires mais insuffisants pour contrer la montée de la contestation. Les autorités ont pris les devants en interpellant ces derniers jours un certain nombre de militants des droits de l’homme, notamment des avocats. Et traditionnellement à l’heure des grandes rencontres politiques en Chine, des pétitions - circulent pour être remises aux - autorités en conclave. L’une d’entre elles, et c’est signi- ficatif, est signée par 12 000 personnes issues de toute la Chine. Ses signataires sont des fermiers qui dénoncent la confiscation de leurs terres pour des projets urbains, le chômage, la pollution, l’abus de pouvoir des cadres locaux, etc. Une longue marche reste à faire pour une « société harmonieuse » et plus juste.

Dominique Bari

Hu s’est imposé à la tête du parti

Au nom de la lutte contre la corruption, les limogeages de cadres se sont multipliés en quelques mois. Ce qui a permit de renouveler les dirigeants.

Envoyé spécial.

En 2002, en accédant au poste de secrétaire général du PCC, Hu Jintao était perçu comme une énigme pour ses compatriotes autant que par les observateurs étrangers. Discret le dirigeant du parti et président de la République l’est resté mais il a en cinq ans imposé son pouvoir au sein du parti, remobilisé ses membres tout en renforçant sa capacité d’organisation au moment où les ruptures sociales sont les plus à vif.

Le pragmatisme de Deng avait placé le développement économique « comme vérité centrale » et but ultime, la philosophie de Hu fait état d’« avoir la préoccupation constante de placer l’homme au centre ». L’accent est mis depuis un an sur la construction d’une « société harmonieuse », concept qui serait ainsi incorporé aux statuts du parti au même titre que le marxisme-léninisme, la pensée Mao Zedong , la théorie Deng Xiaoping et la « triple représentativité » (de Jiang Zemin) et deviendrait la marque de la quatrième génération. Ce qui aussi signifie concrètement que Hu a suffisamment gagné en autorité. Il est vrai que, depuis quelques mois, les limogeages au nom de la lutte contre la corruption n’ont pas manqué.

Le coup le plus médiatique a été porté contre Chen Liangyu, secrétaire du parti à Shanghai, pour son implication dans le scandale d’un fonds de pension. Chen était connu pour son appartenance au « clan de Shanghai », une forteresse économique et surtout politique qui échappait depuis quinze ans au contrôle du pouvoir central à cause du statut très spécial dont elle bénéficiait grâce à l’ancien patron du PCC Jiang Zemin, et auquel Hu Jintao a mis un terme.

Hu a envoyé plusieurs dizaines de « groupes d’inspection, groupes de travail spéciaux et groupes d’enquête » dans presque toutes les provinces afin d’y renforcer la lutte anticorruption. En ligne de mire : les gouverneurs et leur entourage. En l’absence d’une séparation des pouvoirs législatif, administratif et judiciaire, le procédé permet à l’équipe dirigeante de renouveler le parti et de faire place à des cadres plus jeunes, venant des régions les moins favorisées. Comme ce fut le cas pour Hu et son premier ministre Wen Jiabao.

D. B.

 

Publié dans Biographies

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