Le baptême du feu

Publié le par david castel

[moments de très grande tension à la suite de l¹attaque de la base militaire
israélienne à Kerem Shalom et de l¹enlèvement du soldat Gilad Shalit. C¹est
le baptême du feu pour 4 acteurs clés : Olmert, Peretz, Haniyeh et Abbas]


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Ariga, 26 juin 2006

Le baptême du feu
par Robert Rosenberg

Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant


/S..

L¹attaque [contre la base militaire israélienne de Kerem Shalom, proche de
la bande de Gaza] constitue un baptême du feu pour quatre acteurs clés : le
premier ministre israélien Ehoud Olmert, son ministre de défense Amir
Peretz, le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre
palestinien Ismail Haniyeh.

1/ Olmert
Sans passé militaire à proprement parler, il a été un de ceux qui ont promis
que le désengagement de Gaza et son plan relativement similaire qui concerne
la Cisjordanie, amélioreraient la sécurité d¹Israël. La droite, beaucoup au
centre, et la gauche, font leurs choux gras de cette théorie. Olmert est un
politicien qui sait négocier et faire marcher la machine dans l¹ombre, mais
qui n¹est pas à l¹aise pour décider d¹une politique militaire.
Ses instincts, qui sont ceux d¹un homme de droite, peuvent se déchaîner
contre les Palestiniens avec ce qu¹il nomme une "réaction puissante et
intensive". Mais il sait aussi qu¹une mesure militaire prise immédiatement
contre Gaza condamnerait le pauvre soldat (Gilad Shalit). Rabin s¹était
retrouvé face à la même situation lors de l¹enlèvement d¹un soldat par le
Hamas, avec exigence de libération de prisonniers. Rabin refusa, envoya des
troupes pour sauver le soldat. Résultat : non le soldat est mort, mais l¹un
des sauveteurs aussi. Pour une opération chirurgicale, il est nécessaire de
disposer de renseignements de très haute qualité : du genre que ne peuvent
fournir que des Palestiniens qui collaboreraient avec Israël, par exemple
des forces de sécurité loyales à Abbas.
Une opération d¹envergure, destinée à punir les Palestiniens, pourrait
plaire aux Israéliens qui en ont assez des roquettes Qassam et de l¹anarchie
qui règne en Palestine, mais elle provoquerait très certainement davantage
de violences palestiniennes contre des Israéliens, et tôt ou tard, un usage
décuplé de leur force par Israël, avec des pertes civiles disproportionnées,
ce qui produirait des pressions et des condamnations de la communauté
internationale.

2/ Peretz
Il a renoncé à un "programme social" pour accepter le ministère de la
défense. Son calcul : ce titre de ministre de la défense le mènera à son
objectif ultime, le poste de premier ministre. Avec aussi peu d¹expérience
militaire qu¹Olmert, mais avec un ego et un appétit de pouvoir aussi gros
que ceux de n¹importe quel général, le "citoyen Peretz" a tenté de réfréner
son armée, faciliter les conditions de vie des Palestiniens, et de
convaincre ses concitoyens de Sderot qu¹il fait tout son possible pour
stopper les tirs de Qassam qui, si elles n¹ont tué personne dans notre
Néguev endormi depuis le désengagement d¹août 2005, empêchent tout le monde
de dormir à force d¹angoisse. Du coup, il est vulnérable aux attaques venues
d¹une presse populaire chauvine. Les politiciens de droite et une rue
israélienne prompte à l¹émotion aimaient Peretz dans le rôle de militant
social et de syndicaliste. Là, ils veulent voir de l¹action contre les
Palestiniens.
Pourtant, Peretz a su arrêter les barrages d¹artillerie de l¹armé sur les
"zones de tir des Qassam", et depuis une semaine, après les frappes
aériennes embarrassantes de l¹armée de l¹air, qui ont tué des civils
innocents et non des terroristes recherchés, il a stoppé ces attaques
aériennes. Il espérait que le président et le premier ministre palestiniens
lui rendraient la pareille en faisant pression sur les tireurs de Qassam
pour qu¹ils cessent les tirs, et de fait, le nombre des tirs de Qassam s¹est
effectivement réduit à 1à 3 par jour. Mais cela n¹a apporté consolation ni
aux habitants de Sderot, ni à la presse, ni aux politiciens.
Les événements d¹hier (dimanche) mettent donc Peretz sur la sellette. Sa
réaction a été de dire que désormais, il ne fait plus la distinction entre
la branche armée du Hamas et sa branche politique, ce que veut dire que, le
moment venu, il sera prêt à donner l¹ordre à l¹armée de s¹en prendre aux
politiques du Hamas au gouvernement, Haniyeh en tête.

3/ Haniyeh
En réalité, il n¹a aucun contrôle sur la branche armée du Hamas. Ce contrôle
se trouve à Damas, entre les mains de Khaled Mesh¹al qu¹Israël a tenté
d¹assassiner dans les rues de Jordanie au milieu des années 90. Cette
opération ayant échoué, la Jordanie obligea Israël à fournir l¹antidote au
poison administré à Mesh¹al et, au moins aussi important, à libérer de
prison le cheikh Yassine, fondateur du Hamas. Une dizaine d¹années plus
tard, Yassine sera assassiné par Israël, pour son rôle dans les attentats
commis contre des Israéliens. Pourtant, le même Yassine avait souvent évoqué
une trêve de 50 ans avec Israël par l¹intermédiaire d¹une "hudna", cérémonie
arabe traditionnelle qui met fin à des vendettas entre clans ennemis.
Il y a deux ans, Mesh¹al était contre la signature par le Hamas d¹un
cessez-le-feu pan palestinien, mais il a été convaincu de ne rien empêcher
et de ne pas faire obstacle. Mais Haniyeh et Abbas se battent pour le
pouvoir. Mesh¹al craint que si Abbas et Haniyeh parviennent à un accord, il
sera laissé pour compte. Aujourd¹hui (lundi), des officiers israéliens de
renseignement ont affirmé à la commission des affaires étrangères et de la
défense de la Knesset que l¹attaque avait été commanditée par Mesh¹al, et
que Haniyeh tentait de faire libérer le soldat prisonnier. Le bureau de
Haniyeh a d¹ailleurs publié une adresse aux miliciens qui détiennent Gilad
Shalit leur demandant de le libérer immédiatement.
Israël ne veut pas être vu en train de traiter directement avec le Hamas.
Mais la sensitivité israélienne autour des soldats capturés pourrait ne pas
lui laisser le choix. S¹il est libéré par les Palestiniens, cela pourrait
signifier qu¹un accord a été trouvé en coulisses, où un certain nombre de
Palestiniens pourraient être libérés dans quelques semaines, en tant que
geste envers le président Abbas.

4/ Abbas
Pour le président palestinien, cela pourrait être sa dernière chance de
prouver qu¹il est le partenaire pour des négociations de paix qu¹il prétend
être et qu¹Israël ignore et humilie consciencieusement. Si ses forces de
sécurité peuvent localiser le soldat, il pourrait les envoyer le récupérer,
ou renseigner les Israéliens pour qu¹ils fassent le travail.
Il est constamment en relation avec Haniyeh, en personne et au téléphone,
ainsi qu¹avec les leaders arabes, dont Bachar Assad, l¹hôte de Mesh¹al à
Damas. Il compte aussi beaucoup sur les personnels égyptiens diplomates et
de sécurité à Gaza pour faire libérer l¹Israélien.
Si Abbas (et Haniyeh en l¹espèce) arrive à intervenir pour la libération de
Gilad Shavit, cela mettra Israël dans l¹embarras, car Abbas (et même
Haniyeh) aura démontré sa fiabilité. Mais si le soldat n¹est pas restitué
vivant, en bonne santé, et rapidement, les Israéliens penseront alors qu¹ils
ont une bonne raison de se débarrasser d¹Abbas une fois pour toutes.

Il s¹agit d¹un moment de tension extrême. Si Abbas et Haniyeh ne trouvent
pas un moyen de libérer le soldat capturé, ils affronteront la colère des
Israéliens, qui n¹hésiteront peut-être pas à agir pour faire tomber le
gouvernement Hamas. Si Abbas et Haniyeh ne trouvent pas un moyen de
travailler ensemble sur ce problème, les efforts consacrés à résoudre leurs
différends autour du "Document des Prisonniers", qui semblaient proches de
la réussite il y a seulement deux jours, pourraient se désintégrer en ce
qu¹ils craignent le plus : une chute à la somalienne en guerre des gangs, ou
une guerre civile à grande échelle entre les islamistes du Hamas et les
laïques eu Fatah.

En attendant, les Israéliens hésitent à retourner à Gaza, à pied ou même par
les blindés. Comme l¹écrit aujourd¹hui un éditorialiste, Gaza est peut-être
du sable, mais c¹est surtout du sable mouvant. Mais rien n¹est plus infernal
qu¹une armée israélienne qui craint de perdre ses capacités de dissuasion.
Le manque d¹autorité, chez le premier ministre comme chez le ministre de la
défense, pourrait signifier que c¹est l¹armée qui va décider de la politique
à mener en réaction à ce qui est arrivé au caporal Gilad Shavit.

D¹un autre côté, Olmert et Peretz sont parvenus à réfréner l¹armée, une fois
qu¹ils ont senti qu¹elle dépassait les bornes. Les prochaines 24-48 heures
vont être critiques. Passé ce délai, vu la prédiction des radicaux
palestiniens pour la hâblerie, la localisation du soldat israélien devrait
être connue de tous les acteurs concernés. Les Israéliens n¹auront pas la
patience d¹attendre qu¹Abbas, Haniyeh ou les Egyptiens parlent aux
ravisseurs. Ils veulent agir, et si les Palestiniens ne le font pas, ils
agiront.

Il y a un petit rayon de lumière sur le front diplomatique : Gilad Shavit a
un passeport français, et le gouvernement français tente de faire jouer de
son influence dans le monde arabe pour faire libérer le soldat. Mais, comme
dit l¹ambassadeur américain en Israël : toute cette affaire est une preuve
supplémentaire que le gouvernement du Hamas est "incapable de contrôler ses
propres affaires, sans même parler de répondre aux besoins du peuple
palestinien."
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