Entre prisonniers et captifs

Publié le par david castel

[le Hamas a rejeté l¹ultimatum d¹Abbas à propos du référendum sur le
"document des prisonniers". Ce document, ainsi que l¹initiative d¹Abbas,
mettent en porte-à-faux aussi bien le Hamas que le gouvernement israélien,
toujours attaché à des mesures unilatérales. Il reprend en filigrane les
propositions de la Ligue arabe, et de ce fait, il semble adopter, d¹après
certains juristes, une position relativement souple sur le droit au retour]


http://www.haaretz.com/hasen/spages/720662.html

Ha¹aretz, 29 mai 2006


par Akiva Eldar

Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant


Il y a deux manières d¹estimer la distance parcourue par certains
personnages clés du Hamas comme Abdel Khaleq al-Natshe, la personnalité la
plus haut placée dans la hiérarchie du mouvement qui soit détenue en Israël,
et qui est l¹un des initiateurs du document de Réconciliation Nationale
(connu également sous l¹appellation de "Document des Prisonniers") qui
prévoit un accord avec Israël sur la base des frontières du 4 juin 1967. La
première de ces manières est de mesurer la force des protestations de la
part de certains opposants à un tel accord, comme Khaled Meshal, dirigeant
du Hamas en Syrie. La seconde est d¹attendre les réactions de ceux en Israël
qui sont partisans d¹une politique unilatérale, comme Haïm Ramon, ministre
de la justice, du parti Kadima (ex-travailliste).

Meshal et ses amis condescendront à parler à Israël après que nous aurons
renoncé à la loi du Retour, en d¹autres termes, après que nous aurons
dissous le mouvement sioniste. Pour que Ramon renonce à son jouet de
l¹action unilatérale en faveur de négociations politiques, les Palestiniens
doivent avant tout déclarer qu¹ils renoncent au droit au retour, en d¹autres
termes qu¹ils éliminent le mouvement national palestinien.

Si les Palestiniens n¹avaient pas exigé qu¹Israël reconnaisse leur droit au
retour, Israël aurait dû l¹inventer. Autrement, comment le premier ministre
Ehoud Olmert pourrait-il prendre le "Document des Prisonniers", rédigé par
un groupe considéré comme le "grand rabbinat" de l¹opinion palestinienne,
qui sanctifie la ligne Verte comme la frontière définitive entre Israël et
la Palestine ? Comment Olmert expliquerait-il le tracé envahisseur de la
"clôture de sécurité", et comment pourrait-il demander au monde de
reconnaître les "blocs de colonies" ? Tant que le "droit au retour" est dans
l¹air, les politiques peuvent se détendre. Ils peuvent toujours dire que
l¹exigence de ramener les réfugiés n¹est rien d¹autre qu¹une tentative de
détruire l¹Etat juif par des moyens démographiques, et que, par conséquent,
l¹accord sur l¹existence de deux Etats sur les frontières de 1967 n¹est
qu¹une partie du "plan par étapes" pour éliminer Israël.

Il est difficile de comprendre pourquoi Israël se permet de déclarer à
l¹avance que "Jérusalem demeurera unie pour toujours", ou que "Ariel fait
partie de l¹Etat d¹Israël", alors que les Palestiniens doivent adapter leurs
positions d¹ouverture à celles d¹Israël. De plus, si les Palestiniens
abandonnent à l¹avance le droit au retour, ils risquent aussi, ce faisant,
de voir refuser aux réfugiés le droit de réclamer des compensations
financières pour leurs biens.

Malheureusement, cette fois encore, comme ce fut le cas lors de la décision
de la Ligue arabe à Beyrouth en mars 2002 (1), la voix des apparatchiks des
partis israéliens est plus forte que la voix de la raison.

Quelques jours après le sommet de Beyrouth, le professeur de droit Eyal
Benvenisti, expert international dans le domaine des réfugiés, écrivait que
cette décision "reconnaît de fait que les réfugiés, ou l¹entité qui les
représente, n¹ont aucun droit absolu. Leur exigence de retour est un objet
de négociation tripartites, entre les représentants des Palestiniens, les
pays "hôtes" des réfugiés et le gouvernement israélien. Tout accord qui
interviendrait entre les parties éteindrait les revendications des réfugiés.
Ceux qui ne se satisferaient pas de cet accord auraient du mal à faire appel
en entreprenant des procédures judiciaires auprès d¹un quelconque tribunal
(Ha¹aretz, 4 avril 2002).

Benvenisti interprétait cette importante décision comme un signal donné par
la Ligue arabe à Israël : elle reconnaissait et respectait sa crainte de
voir disparaître le caractère juif de l¹Etat d¹Israël à cause d¹un afflux
massif des réfugiés de 1948. Elle était même prête à imposer aux
Palestiniens une position contraire à leur exigence sans concession, et de
les réveiller de leur rêve de retour. "Depuis la création de l¹Etat, Israël
attendait une pareille prise de position arabe", disait ce professeur de
droit, en concluant son article. Et il posait la question : "Allons-nous
maintenant être d¹accord pour accepter la proposition de la Ligue arabe et
en faire un accord contraignant ?"

Plus de quatre ans plus tard, après des milliers de morts, après le chaos au
sein du Fatah, cette question est plus actuelle que jamais. Le gouvernement
Sharon-Peres a ignoré la proposition de la Ligue arabe, et a préféré
l¹assassinat ciblé du partenaire palestinien et les mesures unilatérales. Le
gouvernement Olmert-Peres a reçu de la part des prisonniers, de Mahmoud
Abbas et de groupes modérés des territoires une deuxième chance de parvenir
à un accord. Il se pourrait bien que ce soit la dernière.


(1) Cette proposition de la Ligue arabe réunie à Beyrouth faisait suite à ce
qu¹il est convenu d¹appeler "l¹initiative saoudienne ". Pour une discussion
sur cette initiative et sur Beyrouth, voir (entre autres) : "A propos de
l¹initiative de paix saoudienne" :
http://www.lapaixmaintenant.org/article649


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