Le crime était vraiment parfait

Publié le par david castel



L'Express du 30/08/2004
XIIe arrondissement


par Cécile Guéry

Dimanche de Pentecôte 1937, métro Porte-Dorée, 18 h 27. Six personnes montent dans la voiture de première classe. Une jeune femme rousse en robe verte semble somnoler sous son chapeau blanc. Elle est seule dans le wagon. Tout à coup, son corps s'écroule. L'un des passagers, médecin, se précipite à son chevet et découvre un couteau Laguiole planté au bas de son cou. La victime, Laetitia Toureaux, meurt dans l'ambulance qui la mène à l'hôpital Saint-Antoine. La jeune femme est montée dans le métro au départ de la ligne, à la station précédente, soit quelques minutes avant d'être retrouvée morte. Le meurtrier a donc agi entre les deux stations et a probablement quitté la rame en marche, une fois le crime commis.

Une parricide nommée Violette

Le soir du 24 août 1933, au n° 9 de la rue de Madagascar, Violette Nozière verse une poudre blanche dans le verre de ses parents et ouvre le gaz, espérant faire passer le parricide pour un suicide. Son père ne survit pas à son stratagème, la mère est sauvée à temps. Le procès révèle plusieurs mobiles: la jeune femme affirme que son père a abusé d'elle depuis l'âge de 12 ans, mais l'enquête policière montre que la jeune fille entretient un étudiant depuis plusieurs mois et qu'elle s'apprêtait à le rejoindre en Bretagne. Condamnée à mort, elle est graciée, puis sa perpétuité est réduite à douze ans de prison. Elle sort en 1945, se réconcilie avec sa mère et se marie. Son histoire sera immortalisée au cinéma par Isabelle Huppert, sous la direction de Claude Chabrol.
 
L'enquête qui suit ne parvient pas à retrouver le coupable, mais révèle la personnalité trouble de Laetitia Toureaux. Née en 1907 dans le Val d'Aoste, en Italie, elle émigre en France avec sa famille, puis se marie avec un Français. Celui-ci décède quatre ans plus tard. Ouvrière modèle et serviable, selon ses camarades de l'usine, elle se révèle être un mouchard patronal, chargé d'espionner ses collègues. Elle est inscrite à la Ligue du bien public, mais son parrainage imposant, un inspecteur de la PJ et un directeur d'agence de détectives, soulève un certain soupçon sur son identité d'ouvrière... Elle passe son temps libre dans les bals et les guinguettes, travaille même au vestiaire de l'un de ces établissements, l'As de cœur. Endroit idéal pour glaner des informations...

Les nombreux témoignages de ses proches la décrivent comme discrète, cachottière. La presse se passionne pour cette héroïne mystérieuse. Paris-Soir révèle qu'elle a été détective pour l'agence de son parrain de la Ligue du bien public. Plusieurs enquêtes de police montrent que des inspecteurs ont fait appel à elle. On s'interroge aussi sur ses relations avec l'Italie. On sait qu'elle gardait des contacts étroits avec ses compatriotes. Elle devait même participer à un banquet le soir de son assassinat. Etait-elle espionne? Ses deux amants du moment étaient militaires sur des sites sensibles, l'un sur la ligne Maginot, l'autre au port de Toulon. Or, deux ans avant la déclaration de guerre, le climat géopolitique est tendu... La victime semble être une véritable professionnelle du renseignement, mais le coupable et les mobiles du meurtre demeureront toujours mystérieux.

Publié dans LAETITIA

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