La faillite c’est la droite, Par Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité

Publié le par david castel

La faillite c’est la droite

Par Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité

La cigale UMP ayant chanté tout l’été pour les privilégiés, le peuple fut fort dépourvu quand la bise fut venue.

Ce pourrait être la nouvelle version de La Cigale et la Fourmi, réécrite par le président de la République et son premier ministre. Après avoir ajouté 15 milliards de cadeaux fiscaux cet été aux plus riches, voilà que M. Fillon découvre une « faillite de l’État ». Disant cela, les responsables du pouvoir exécutif condamnent leur propre politique. MM. Fillon et Sarkozy ont été ministre ces dernières années. Et il faut avoir le culot du monarque omniprésent de l’Élysée pour affirmer, comme il l’a fait avec aplomb jeudi dernier, lors de l’émission où il était auto-invité : « Sur la croissance : en 2007 je n’y suis quand même pour rien. » Si notre mémoire est bonne, c’est bien un certain M. Sarkozy qui a été ministre d’État de 2002 à 2007, dont ministre de l’Économie et des Finances une partie du quinquennat.

Les mots de M. Fillon ne relèvent pas de la gaffe mais d’un choix stratégique. Il l’a d’ailleurs confirmé hier matin en expliquant au micro de RTL qu’il appelait les Français « à changer d’état d’esprit ». Et plusieurs ministres se répandaient dans la presse économique d’hier, expliquant que le mot visait à « faire de la pédagogie ». Autrement dit, après avoir servi les privilégiés, le pouvoir de droite prépare une politique de super-austérité, de casse sociale, de nouvelles privatisations qui fera couler le sang et les larmes pour toutes celles et ceux qui n’ont que leur travail, leur retraite ou leurs maigres allocations pour vivre.

Les messages du président de la République et de son premier ministre sont doubles. D’un côté, M. Sarkozy gesticule sur nos écrans de télévision contre les autorités européennes, la Banque centrale européenne, parce qu’il est contraint de tenir compte du « non » majoritaire des Français à l’Europe ultralibérale. De l’autre côté, MM. Sarkozy et Fillon envoient des signaux clairs aux autorités européennes et aux marchés financiers en lançant un programme de contre-réformes réactionnaire, permettant de réduire les dépenses utiles dans la protection sociale, l’école, les hôpitaux, en refusant d’augmenter les salaires, en supprimant 22 500 emplois dans les services publics, en annonçant de nouvelles privatisations, notamment dans l’énergie, en instaurant les franchises médicales, puis en augmentant la TVA après les municipales.

C’est une pure hypocrisie que de critiquer la Banque centrale européenne quand on se vante d’avoir contribué à mettre sur les fonts baptismaux un nouveau projet de traité européen qui, précisément, confirme l’indépendance de cette institution, ainsi que ses missions au service des marchés financiers.

En vérité ce n’est pas l’État qui est en faillite. Ce sont les politiques de droite qui sont en cause. Et, c’est pour aller plus avant dans l’application de ces choix ultralibéraux que le premier ministre dramatise la situation à outrance jusqu’à comparer la France, cinquième puissance mondiale, à l’Argentine, au Kirghizistan ou au Zimbabwé.

Les déficits publics et la dette sont le résultat direct des exonérations fiscales sur le capital et les revenus financiers, ainsi que la diminution permanente des cotisations sociales sur les entreprises décidées ces dernières années. Et les frais financiers que débourse l’État sur sa propre dette avoisinent les 40 milliards d’euros. Ils ne profitent qu’au système bancaire et aux marchés financiers, sous la forme d’une rente au détriment des dépenses utiles. Certains économistes n’hésitent pas à dire que « la dette de la France est un investissement utile pour les marchés financiers ». Qu’une commission parlementaire et la Cour des comptes nous disent exactement d’où provient la dette. Il y a fort à parier qu’enquête faite, on s’apercevrait qu’elle est pour moitié le résultat des exonérations fiscales et sociales sur le capital, octroyées ces vingt dernières années ! Le service de la dette est un gouffre. Il équivaut au budget consacré à l’emploi en 2007 ou à la moitié du budget de l’éducation nationale ou encore au double du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.

C’est la réduction des dépenses utiles d’investissement, de recherche, de formation, la non-réévaluation des revenus du travail, le chômage qui poussent à un recul des recettes publiques et de la croissance.

De même, les privatisations décidées ces dernières années sont autant d’atouts industriels, bancaires et de services qui sont souvent passés sous pavillon étranger. Ils sont autant de coups portés à notre machine économique, à l’emploi et ont ouvert la voie à un accaparement plus grand des richesses par quelques-uns.

Si, depuis quelques jours, la situation des comptes publics de la France est tant dramatisée, y compris par le gouverneur de la Banque centrale européenne, M. Trichet, que le devoir de réserve n’étouffe manifestement pas, c’est parce que l’ultra-droite au pouvoir veut aller vite et très loin.

Elle considère que dans le cadre de la violente guerre économique à laquelle se livrent les forces capitalistes à travers le monde, il lui faut revaloriser la rentabilité du capital. Pour cela, elle prépare le terrain pour amplifier la guerre sociale contre les travailleurs, les retraités, les privés d’emploi, les pauvres !

C’est en ce sens que les systèmes de protection sociale risquent d’être bradés au privé, que le Code du travail peut être démantelé, que le système de fiscalité progressive est attaqué, que de nouvelles privatisations sont envisagées.

Une politique de super-austérité s’annonce. Il faudra la combattre avec acharnement.

Les choix actuels n’ont strictement rien de fatal. Ils n’ont pour seul objectif que de satisfaire les appétits du capital. Qu’on mette en parallèle le déficit des caisses de protection sociale avec les révélations de la Cour des comptes qui considère que les exonérations de cotisations sociales sur les stock-options, les parachutes dorés et d’autres rémunérations parallèles aux salaires, représentent 15 milliards d’euros. Qu’on mette en parallèle le refus de toute augmentation de salaire avec les 100 milliards d’euros de profit réalisés l’an passé par les quarante plus grandes entreprises cotées en Bourse, dont on nous dit qu’ils vont battre un nouveau record cette année. Qu’on mette en parallèle l’argent disponible dans les entreprises, hors les banques, qui s’élève selon les comptes de la nation à 567 milliards d’euros. Sur cette somme, 224 milliards d’euros servent à payer des intérêts et des dividendes et 173 milliards d’euros servent à la spéculation financière. De l’argent il y en a donc beaucoup en France. Seulement il n’est pas au bon endroit.

Changer de cap nécessiterait de relever l’impôt sur les sociétés, de revaloriser la taxe professionnelle en en faisant un impôt pour l’efficacité du capital, de réactiver un système de crédit bancaire à partir d’un fonds national pour le financement des investissements et la sécurisation du travail, de l’emploi et de la formation, en commençant à l’alimenter par les 23 milliards d’euros annuels qui servent aujourd’hui aux exonérations de cotisations sociales patronales.

À la veille des débats sur la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale, il est utile de développer un mouvement pour se doter d’outils visant à un nouveau type de croissance, durable, solidaire, écologique et une nouvelle répartition des richesses au service du bien commun et non plus pour quelques privilégiés.

Il faut sortir de la faillite de la politique de la droite. L’heure est à l’action unie.

Publié dans Politique Politicienne

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